Les visites médicales : focus sur les spécificités en santé au travail
Le suivi médical est une obligation réglementaire qui incombe à l’employeur. Différents moments clés structurent la périodicité de ces visites : à l’embauche bien sûr, mais aussi tout au long du contrat de travail (après une longue maladie, un accident, un congé maternité…).
Quelles sont les visites obligatoires en fonction du suivi du salarié ? Quels délais et procédures de renouvellement ? Quelles visites « facultatives », mais souvent essentielles, peuvent faciliter la reprise du travail ou optimiser le maintien en emploi ? Quelles nouveautés avec la réforme santé travail d’août 2021 ? L’AISMT13 fait le point pour vous.
« Employeurs, salariés, pensez également à solliciter vous-même une visite dès que besoin : mieux vaut prévenir que guérir ! »
Article 4624-34 du code du travail : « Indépendamment des examens d’aptitude à l’embauche et périodiques ainsi que des visites d’information et de prévention, le travailleur bénéficie, à sa demande ou à celle de l’employeur, d’un examen par le médecin du travail.
Le travailleur peut solliciter notamment une visite médicale, lorsqu’il anticipe un risque d’inaptitude, dans l’objectif d’engager une démarche de maintien en emploi et de bénéficier d’un accompagnement personnalisé.
La demande du travailleur ne peut motiver aucune sanction.
Le médecin du travail peut également organiser une visite médicale pour tout travailleur le nécessitant. »
LES VISITES D’EMBAUCHE OBLIGATOIRES
La visite d’information et de prévention initiale : débuter un suivi individuel simple
PRÉCISIONS RÉGLEMENTAIRES
Celle que l’on appelle aussi la VIP remplace la visite médicale d’embauche depuis le 1er janvier 2017. L’article L. 4624-1 précise les professionnels de santé habilités à la réaliser « Tout travailleur bénéficie, au titre de la surveillance de l’état de santé des travailleurs prévue à l’article L. 4622-2, d’un suivi individuel de son état de santé assuré par le médecin du travail et, sous l’autorité de celui-ci, par le collaborateur médecin mentionné à l’article L. 4623-1, l’interne en médecine du travail et l’infirmier. ».
Elle s’inscrit dans le cadre du suivi individuel (SI) de l’état de santé du salarié. Elle concerne tous les salariés qui ne bénéficient pas d’un suivi individuel renforcé (SIR).
5 GRANDS OBJECTIFS
- L’interroger sur son état de santé
- L’informer des risques potentiels auxquels il est exposé par son poste de travail
- Le sensibiliser sur les moyens de prévention existants à mettre en œuvre
- Identifier si son état de santé et les risques associés à son poste de travail impliquent de l’orienter vers le médecin du travail (s’il n’a pas réalisé la visite)
- Lui transmettre les bonnes informations : modalités de suivi de son état de santé, droit à bénéficier à tout moment d’une visite avec le médecin du travail, à sa demande
LES DOCUMENTS DE SUIVI
Le professionnel de santé au travail ayant réalisé la visite ouvre un dossier médical en santé au travail (DMST) dans le respect du protocole établi par le médecin du travail. À l’issue de cette visite, ce professionnel de santé remet une attestation de suivi (un exemplaire est dédié au salarié, le second à l’employeur).
DÉLAI DE RÉALISATION ET DE RENOUVELLEMENT
Comme précisé précédemment, la 1ère Visite d’Information et de Prévention (VIP) doit être réalisée dans les 3 mois maximum à partir de la date d’embauche selon les dispositions de l’article R. 4624-10. Pour les apprentis, ce délai est réduit à 2 mois. Enfin, pour les travailleurs de nuit, les salariés de moins de 18 ans, les salariés exposés aux champs électromagnétiques ou ceux exposés aux agents biologiques du groupe 2, la VIP doit être réalisée avant même la date d’embauche. Une VIP sera renouvelée tous les 5 ans maximum.
CAS PARTICULIER
selon l’âge, les conditions de travail, les risques professionnels spécifiques… le suivi adapté est nécessaire et ne doit pas excéder 3 ans [Précisions à retrouver dans la rubrique « Visites périodique obligatoires »].
L’examen médical d’aptitude : initier un suivi individuel renforcé
PRÉCISIONS RÉGLEMENTAIRES
L’Examen Médical d’Aptitude, que l’on appelait jusqu’en 2016 la « Surveillance médicale renforcée » est aussi défini par le Code du travail en son article R. 4624-22 : « Tout travailleur affecté à un poste présentant des risques particuliers pour sa santé ou sa sécurité ou pour celles de ses collègues ou des tiers évoluant dans l’environnement immédiat de travail défini à l’article R. 4624-23 bénéficie d’un suivi individuel renforcé de son état de santé selon des modalités définies par la présente sous-section. ».
Ces postes présentant des risques particuliers sont détaillés sur la question des expositions dans le 1er alinéa de l’article R. 4624-23 (sachant que, sur la base de l’évaluation des risques et du document unique, l’employeur peut compléter la liste des postes dits à risque). Il existe ainsi 3 catégories de postes à risques :
1/ Risques particuliers :
- Amiante
- Plomb
- Agents CMR
- Agents biologiques groupes 3 et 4
- Rayonnements ionisants
- Risque hyperbare
- Risque de chute de hauteur lors des opérations de montage et de démontage d’échafaudages
2/ Postes conditionnés par un examen d’aptitude spécifique prévu par le code du travail
- Autorisation de conduite (équipements de travail mobiles ou levage de charges)
- Charges lourdes – manutention > 55 Kg de façon habituelle et sans aide mécanique (Art. R.4541-9)
- Jeunes de 15 ans au moins et moins de 18 ans affectés aux travaux interdits susceptibles de dérogation
- Travaux sous tension
3/ Liste de postes à risque particulier santé/sécurité définis par l’employeur après avis du médecin du travail et CSE/CSSCT
Exemples : Grutiers, chauffeur poids lourds, conducteur transport en commun, pilote avion ou hélicoptère
Cet examen médical se substitue de fait à la visite d’information et de prévention du fait de la nécessité d’un suivi individuel renforcé.
5 GRANDS OBJECTIFS
- S’assurer qu’il est médicalement apte au poste de travail auquel l’employeur envisage de l’affecter (compatibilité poste/état de santé)
- Rechercher s’il n’est pas atteint d’une affection dangereuse pour les autres travailleurs
- Si nécessaire, proposer des adaptations de poste voire un autre poste
- L’informer sur les risques d’exposition et le suivi médical nécessaire
- Le sensibiliser sur les moyens de prévention à mettre en œuvre
LES DOCUMENTS DE SUIVI
Le médecin du travail constitue un dossier médical en santé au travail pendant cette visite et délivre finalement un avis d’aptitude ou d’inaptitude qui sera joint à ce dossier médical. Celui-ci est ensuite transmis au travailleur ainsi qu’à son employeur.
DÉLAI DE RÉALISATION ET DE RENOUVELLEMENT
L’examen médical d’aptitude (EMA) doit être réalisé avant la date d’embauche et donc préalablement à l’affectation au poste. L’EMA est ensuite renouvelé tous les 2 ans maximum avec une visite intermédiaire et tous les 4 ans maximum avec un Examen Médical d’Aptitude périodique. [Précisions à retrouver dans la rubrique « Visites périodique obligatoires »].
[À noter] Si le travailleur concerné a réalisé son EMA dans les 2 années précédant sa nouvelle embauche et que les conditions suivantes sont cumulativement remplies, il pourra bénéficier d’une dispense :
- Emploi identique avec risques équivalents
- Le médecin du travail a accès à son dernier avis d’aptitude
- Aucun aménagement de poste ou avis d’inaptitude n’a été nécessaire au cours de cette période
LE CAS PARTICULIER DES SALARIÉS SAISONNIERS
Lorsqu’un recrutement est envisagé dans ce cadre de suivi individuel renforcé, mais pour une durée inférieure à 45 jours de travail effectif : des actions de formation et de prévention, communes à plusieurs entreprises si besoin, seront mises en place par le Service de Prévention et de Santé au travail et se substituent aux EMA.
LES VISITES PÉRIODIQUES OBLIGATOIRES
La visite d’information et de prévention périodique : surveiller le suivi individuel du salarié
Selon l’article R. 4624-13, le professionnel de santé qui réalise cette visite périodique peut adresser le salarié à son médecin du travail dès que nécessaire. L’enjeu étant de vérifier qu’il persiste une compatibilité entre l’état de santé et les caractéristiques du poste de travail.
Objectif : valider le bilan de la visite initial. Pour cela, une attestation de suivi mise à jour sera remise au salarié.
Le renouvellement doit pouvoir être réalisé dans les 5 ans suivant la visite d’information et de prévention initiale. Ce délai est raccourci à 3 ans pour les travailleurs de nuit, les travailleurs handicapés ou ceux qui déclarent être titulaires d’une pension d’invalidité.
La visite intermédiaire et l’examen médical d’aptitude périodique : vigilance accrue pour le suivi individuel renforcé
Le code du travail encadre ces deux visites dans son article R. 4624-28. Ces deux étapes sont de fait complémentaires dans le cadre d’un suivi individuel renforcé, faisant suite à l’examen médical d’aptitude initial.
1/ Visite intermédiaire
Elle peut être réalisée par différents professionnel de santé au travail :
- Le médecin du travail
- Le collaborateur médecin
- L’interne en médecine du travail
- L’infirmier en santé au travail
Cette visite, qui permet de recenser tout nouvel élément médical ou professionnel, doit être renouvelé tous les 2 ans suite à l’Examen médical d’aptitude (d’embauche ou périodique). À l’issue, une fiche de suivi est délivrée.
2/ L’examen médical d’aptitude (EMA) périodique
Elle ne peut être réalisée que par le médecin du travail, au maximum tous les 4 ans après le dernier examen médical d’aptitude.
CAS PARTICULIER
Les jeunes exposés à des travaux dangereux (comme défini par l’article R. 4153-40) et les travailleurs exposés aux rayonnements ionisants de catégorie A doivent bénéficier d’un EMA périodique chaque année.
Actualité : report temporaire de certaines visites médicales.
Cliquez ici pour savoir lesquelles et dans quelles conditions.
LES VISITES DANS LE CADRE D’UNE REPRISE DU TRAVAIL : DES OBLIGATIONS ET DES RECOMMANDATIONS
La visite de reprise obligatoire
PRÉCISIONS RÉGLEMENTAIRES
La visite de reprise de travail est obligatoire et encadrée par l’article R. 4624-31 du Code du travail. Il précise ainsi les cas concernés : après un congé maternité, après une absence pour cause de maladie professionnelle, après une absence d’au moins 30 jours pour cause d’accident du travail ou pour cause de maladie ou d’accident non professionnel d’au moins 60 jours pour les arrêts de travail qui débutent après le 31 mars 2022.
3 PRINCIPAUX OBJECTIFS
- Vérifier si l’ancien poste de travail ou de reclassement est bien compatible avec l’état de santé du travailleur
- Analyser si nécessaire les propositions d’aménagement, d’adaptation du poste, ou de reclassement faites par l’employeur (cas où le médecin du travail auraient fait des préconisations lors d’une visite de pré-reprise) ou en préconiser lors de cette visite
- Émettre, le cas échéant, un avis d’inaptitude(R4624-32).
DÉLAI DE RÉALISATION
Selon l’article précité, R. 4624-31 du code du travail, la visite doit s’organiser au plus tard 8 jours après la reprise effective du travailleur (sachant que dès que l’employeur a connaissance de la date de reprise, il doit la communiquer à son service de prévention et de santé au travail).
À l’issue de la visite, le médecin du travail délivre une attestation de suivi, un avis d’aptitude ou d’inaptitude.
La visite de pré-reprise facultative, mais incontournable pour le maintien en emploi !
La visite de pré-reprise est facultative et encadrée par l’article R. 4624-29 du code du travail. Il précise ainsi que l’arrêt doit être supérieur à 30 jours et que la visite peut être demandée par le médecin traitant, le médecin conseil des organismes de sécurité sociale ou bien le salarié lui-même, mais aussi désormais, par le médecin traitant, dès qu’un risque potentiel pour la reprise dans les mêmes conditions semble émerger. La visite sera ensuite réalisée par le médecin du travail et notre Cellule Prévention de la Désinsertion Professionnelle peut vous accompagner : retrouvez toutes les informations sur notre site dans notre dossier spécial.
3 PRINCIPAUX OBJECTIFS
- Anticiper d’éventuelles difficultés liées à la reprise du travail
- Réfléchir à des solutions avec l’entreprise et imaginer des aménagements
- Préparer la reprise du travail
À noter : avec le décret 2022-373 du 16 mars 2022, un rendez-vous de liaison est instauré pour le salarié en arrêt de travail pour maladie ou accident non professionnel d’une durée supérieure à 30 jours. Ce rendez-vous est organisé entre le salarié et l’employeur et associe le SPST. Son objectif ? Informer le salarié des actions de prévention de la désinsertion professionnelle existantes et des mesures d’adaptation, mais aussi de l’existence de cette visite de pré-reprise.
DÉLAI DE RÉALISATION
Cette visite peut être effectuée à tout moment pendant l’arrêt de travail. L’idéal est de la prévoir bien en avance pour que le médecin puisse demander des avis complémentaires si nécessaire, échanger avec l’employeur pour avoir une vision plus globale, imaginer des solutions bénéfiques pour le salarié et l’entreprise etc. Si le risque d’inaptitude est avéré, il pourra si besoin mettre le salarié en contact avec différents organismes et partenaires sociaux (Maison Départementale pour les Travailleurs Handicapés – MDPH / Cap Emploi etc.)
Aucun avis d’aptitude ou d’inaptitude n’est remis à ce stade puisque le salarié est en arrêt de travail (le contrat de travail est donc de fait, suspendu) : il sera remis lors de la visite de reprise comme vu précédemment, qui reste obligatoire.
LES NOUVELLES VISITES MÉDICALES INSTAURÉES PAR LA LOI SANTÉ AU TRAVAIL DU 2 AOÛT 2021 : RENFORCER LA PRÉVENTION EN SANTÉ AU TRAVAIL
Visite de mi-carrière
L’enjeu est ici de réduire la désinsertion professionnelle.
À partir du 31 mars 2022, la visite de mi-carrière pourra être organisée à une échéance déterminée par accord de branche ou, à défaut, durant l’année civile du 45ème anniversaire du travailleur (elle peut se coupler avec la visite périodique si elle est prévue dans les deux années précédant la date susmentionnée).
Réglementée par le nouvel article L. 4624-2-2 du code du travail, ce sont notamment 3 grands objectifs qui sont définis selon les termes suivants :
« 1° Etablir un état des lieux de l’adéquation entre le poste de travail et l’état de santé du travailleur, à date, en tenant compte des expositions à des facteurs de risques professionnels auxquelles il a été soumis ;
« 2° Evaluer les risques de désinsertion professionnelle, en prenant en compte l’évolution des capacités du travailleur en fonction de son parcours professionnel, de son âge et de son état de santé ;
« 3° Sensibiliser le travailleur aux enjeux du vieillissement au travail et sur la prévention des risques professionnels.
Cette visite peut être réalisée par l’infirmier en santé au travail qui redirigera le salarié vers le médecin du travail s’il estime cela nécessaire. Notamment si des mesures individuelles d’aménagement, d’adaptation ou de transformation du poste de travail telles qu’édictées par l’article L 4624-3 doivent être envisagées.
Visite médicale « post-exposition »
Depuis le 1er octobre 2021, les salariés qui partent à la retraite et qui ont été exposés à des risques particuliers au cours de leur carrière professionnelle bénéficieront d’une visite spécifique post-exposition. Celle-ci est élargie à compter du 31 mars à tous les travailleurs dans les meilleurs délais après la cessation de l’exposition des salariés à des risques particuliers pour leur santé ou leur sécurité. Tout cela est détaillé par l‘article L 4624-2-1 du code du travail.
POUR APPROFONDIR… LE CAS DES EXAMENS COMPLÉMENTAIRES
Si le médecin du travail l’estime nécessaire (dépistage spécifique pouvant entraîner des contre-indication à l’exercice de la profession du salarié, risque de maladie dangereuse pouvant affecter l’entourage professionnel etc.) il peut réaliser ou faire réaliser des examens complémentaires.
Ils seront à la charge du service de prévention et de santé au travail (sauf pour les travailleurs de nuit, la charge incombe à l’employeur selon l’article R4624-37 du code du travail).
Soit ces examens auront lieu sur le temps de travail du salarié sans retenue de salaire soit, quand ce n’est pas possible, ils auront lieu hors temps de travail contre rémunération comme temps de travail effectif.
En cas de désaccord entre l’employeur et le médecin du travail sur la tenue ou la fréquence de ces examens complémentaires, le médecin inspecteur du travail sera sollicité pour rendre une décision.
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