Focus sur la santé du dirigeant

3 Jan 2022Focus prévention

Alors que l’employeur est garant de la sécurité et de la santé physique et mentale de ses salariés, pense-t-il à prendre soin de la sienne ? En effet, l’enjeu est de taille : comment garantir la bonne santé d’une entreprise sans prendre en compte la bonne santé de son dirigeant ? Ainsi, dans le contexte de crise que nous vivons, les démarches de prévention pour lutter contre ce constat et favoriser la santé du chef d’entreprise sont donc plus que jamais prioritaires !

 

La prise en compte tardive de la santé du dirigeant dans les textes de lois

Avec la loi du 11 octobre 1946, les principes fondamentaux de la santé au travail ont été fixés et la création des services médicaux du travail a été rendue obligatoire. Mais dans cet acte fondateur, si les dirigeants d’entreprise doivent organiser les conditions nécessaires au suivi de santé des salariés, il n’en est rien pour leur propre santé.

Plus de 50 ans plus tard, la loi du 17 janvier 2002 dite « Loi de modernisation sociale » revalorise la notion de prévention. Pour autant, le seul cas des salariés est visé. 

En ce sens, des programmes spécifiques ont vu le jour et certains centres de santé proposaient des bilans complets pour les chefs d’entreprise. C’est le cas du Programme de Prévention des Risques Professionnels pour les travailleurs indépendants mis en place en 2012 par le Régime Social des Indépendants (RSI).

Cadre législatif santé du dirigeant

Ce n’est qu’avec la loi du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels (dite « Loi El Khomri »), que la question du suivi individuel du travailleur est consacrée. Une meilleure adaptation du suivi et un renfort de la mobilisation des professionnels de santé sont amorcés, détaillés notamment dans son titre V « Moderniser la médecine du travail ».

Enfin, la « révolution » voit le jour avec la loi du 2 août 2021 pour renforcer la prévention en santé au travail. Désormais, les articles L 4621-3 et L 4621-4  consacrent les expressions « travailleurs indépendants » et « chef d’entreprise » : l’importance du suivi de santé du dirigeant est consacrée au même titre que celle de ses salariés. Tout l’enjeu pourrait donc être ensuite de proposer des solutions innovantes pour proposer un suivi au plus près des considérations réelles des chefs d’entreprise.

Les enjeux de santé psychique dans la prévention de la santé du dirigeant

L’activité de travail peut améliorer l’état de santé en activant des facteurs de ressources tels que le sens du travail, le soutien ou la reconnaissance. Mais elle peut aussi la dégrader en exposant les travailleurs à différents facteurs de risque, qui peuvent être liés aux contraintes de temps, à la charge de travail, aux conflits de valeur, aux sentiments d’injustice organisationnelle… Tant d’éléments qui peuvent venir contrarier l’équilibre général et entraîner l’apparition de symptômes.

L’OMS définit la santé comme « un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité ». Ainsi, au-delà des enjeux corporels, on comprend bien que la « bonne santé » du dirigeant comprend des enjeux psychiques individuels, mais aussi des enjeux relationnels, qui sont très spécifiques à sa position et son rôle dans l’entreprise.

 

Les enjeux de santé individuelle

  • LE STRESS Bien souvent issu de la perception subjective d’une contrainte, il est finalement un mécanisme d’adaptation face à une situation d’inconfort ou de danger qui nous incite à mobiliser nos ressources. Pour le corriger, il est important de l’identifier quand il n’est pas trop fort en étant à l’écoute des « signaux faibles ».
  • LE BURN-OUT– Pour l’identifier, il faut être attentif à 3 facteurs combinés : l’épuisement, le sentiment de dépersonnalisation et la sensation d’incapacité à réaliser son travail. Les personnes les plus à risque sont d’ailleurs souvent les plus investies dans leur travail. Il est donc primordial de reconnaître et respecter ses limites puis de ne plus confondre performance et valeurs personnelles.
  • LES EXIGENCES ÉMOTIONNELLES– Tout le travail sur ses expressions émotionnelles est parfois dur à gérer. Plutôt que de s’engouffrer dans des pensées pessimistes, inverser la tendance et canaliser ses émotions mais aussi les exprimer pour ne pas s’engouffrer dans des « non-dits » et des situations de frustration.
  • LES CONFLITS DE VALEURSe questionner sur les moyens mis en place pour accomplir son travail peut permettre de revaloriser le sentiment d’efficacité personnelle et de satisfaction professionnelle. Surtout, rester cohérent avec le sens que l’on donne à son travail et ses valeurs pour éviter les situations de dissonance cognitive.

Les enjeux de santé collective

  • LA COMMUNICATION – C’est l’élément central de ce que l’on appelle les Risques Psycho-Sociaux. Les problèmes liés sont souvent engendrés par les prêts d’intention, les interprétations et les contraintes « imposées » à l’autre. Pour réinstaurer une situation positive : créer des espaces de sécurité psychologique, de légitimité, de fiabilité et de clarté au sein de l’équipe.
  • L’ISOLEMENT DU DIRIGEANT Pour cela, le chef d’entreprise peut identifier des interlocuteurs de confiance, favoriser la concertation, la participativité et déléguer au maximum pour éviter la surcharge.
  • LA GESTION DES CONFLITS Le rôle symbolique du dirigeant (celui qui détient le pouvoir) l’amène forcément à des situations de tension (ex : contestation des décisions prises, attentes déçues…). Pour le chef d’entreprise, tout l’objectif pour éviter de crisper les relations est de dépasser l’analyse « primaire » du comportement d’un collaborateur et de s’intéresser plutôt au contexte dans lesquelles surviennent les récriminations, développer son empathie et gérer ses émotions, proposer des projets collaboratifs, valoriser les temps informels, réfléchir ensemble à une solution en faveur du problème mis en cause.
  • LA PERCEPTION DE SOI ET L’IMAGE DONNÉE Cet enjeu cible finalement l’écart entre la perception de son image et celle que l’on renvoie. Il est important d’accepter que l’on ne maîtrise pas la façon dont elle va être interprétée (le fameux « on ne peut pas plaire à tout le monde »), et que le statut particulier du dirigeant va favoriser dans l’imaginaire collectif une image de « persécuteur » dès qu’une contrainte sera infligée au collectif de travail, volontairement ou non. L’outil « arc en ciel ». Le principe : en répondant aux questions, une couleur nous identifie. L’idée est ensuite de se regarder à travers le filtre de la personne qui elle, se reconnaît dans la couleur opposée pour essayer de se « décentrer ».

Santé du dirigeant et crise sanitaire : l’heure du bilan !

L’un de nos confrères compétent sur la zone du grand Montpellier, l’AIPALS, a publié le 28 juin 2021 une étude sur la santé du dirigeant dans le contexte de la crise sanitaire.

Le bilan est sans appel : le risque de burnout est signalé pour plus d’1 dirigeant sur 2 parmi les 256 chefs d’entreprise ayant répondu (53,2% dirigeants de TPE dont la fragilité est d’autant plus grande). Mis en cause : la fatigue, la déception, la lassitude et surtout l’impuissance. Alors que 42,5% des répondants se disent isolés voire très isolés, 89,9% sont surtout sujets au stress, à différentes échelles (11,9% déclarent être « extrêmement stressés »).

Santé du dirigeant et crise sanitaire : le bilan

 

Un autre fait marquant est celui du déplacement des événements les plus impactants sur le stress du dirigeant depuis la Covid-19. Avant la crise, les sujets de crainte étaient tournés autour des potentiels mauvais résultats annuels, de la baisse de l’activité commerciale, des problèmes de trésorerie et bien sûr en premier lieu du dépôt de bilan. Ce sujet est finalement passé en dernier, derrière de « nouveaux » éléments de grand stress : licenciement d’un salarié, surcharge de travail du dirigeant et départ d’un associé. Finalement, retour au cœur des préoccupations sociales et humaines, avant les considérations économiques.

Pour autant, moins de 15% observent un bénéfice sur l’évolution de leur chiffre d’affaires depuis la crise sanitaire… Le défi financier est toujours omniprésent et chaque confinement supplémentaire peut augmenter la probabilité du dépôt de bilan selon les secteurs d’activité. Dans le secteur du transport par exemple, en se basant bien sûr sur l’échantillon des dirigeants répondants dans cette étude, les indicateurs sont au vert tant sur le volet santé physique que sur la santé mentale ou le sommeil. De la même manière, l’industrie, dont l’activité a pu poursuivre, est moins impactée par la crise. Bien sûr, ce sont les secteurs du commerce et des services dans lesquels on constate une nette dégradation de ces indicateurs et une prédominance des facteurs de stress sur les facteurs de satisfaction.

Enfin, seulement 12% des répondants ont souhaité entrer en contact avec la cellule de soutien. Passer le cap pour demander de l’aide et un accompagnement spécifique est encore une étape difficile. 

Les outils d’évaluation pour éviter le risque de burn-out du dirigeant ! 

La mesure du burn-out

Suite à l’enquête nationale de l’Observatoire Amarok et du LABEX Entreprendre de l’Université de Montpellier, différents constats sont à retenir en ce qui concerne l’état de santé des dirigeants. Réalisée pendant le premier et le deuxième confinement, cette étude a permis de recenser l’avis de 1925 dirigeants entrepreneurs.

Le principe était de mesurer le risque de burn-out grâce à un score entre 1 et 7 calculé en fonction des réponses des dirigeants participants sur la fatigue au travail, l’impuissance, la sensation d’être sans valeur, la lassitude etc.

Si le score final est compris entre 4 et 7 on estime que le potentiel burn-out peut survenir avec un risque notoire pour la santé.

Or, il s’avère que ce risque a particulièrement augmenté pendant le confinement : 3.39/7 contre 2.90 en 2019 ou 2.20 en 2017 par exemple. Tout cela serait donc lié à ce que l’on peut qualifier « d’épuisement d’empêchement » c’est-à-dire l’épuisement à chercher des solutions pour sans cesse d’adapter et se réadapter.

Fait notable : le top 4 systématiquement identifié (difficulté à dormir, déception, fatigue, « j’en ai marre ») s’est fait détrôné par deux arguments en 2020. En effet, alors en pleine période de confinement, « je me sens impuissant » et « je me sens coincé » sont les 2 arguments principaux mis en cause.

Mais parallèlement cependant ce sont les traits salutogènes qui ont eux aussi augmenté : la capacité à s’adapter, à assumer les conséquences de ses actions, à résoudre les problèmes, à donner du sens à ses actions…

L’autoévaluation des risques

Amarok a ainsi mis en place un outil d’autoévaluation pour les chefs d’entreprise en 3 temps pour mesurer leur santé globale et éventuellement le risque de burn out :

  • Évaluation des facteurs de stress (ou « pathogènes ») et de satisfaction (ou « salutogènes) pour créer une balance grâce au Stressomètre© établi par Amarok
  • Si la balance est négative: on parle à l’outil de mesure du risque d’épuisement professionnel
  • Si le résultat dépasse le seuil de 5,5/7, il est vivement recommandé au dirigeant de remplir un formulaire pour bénéficier d’une prise en charge médicale et/ou psychologique en étant recontacté par son service prévention et de santé au travail ou par Amarok.

Stressometre VS Satisfactometre

Enfin, de manière générale, bien qu’informé, convaincu et motivé, le dirigeant peine à prendre en compte sa propre santé. Préoccupé par celle de l’entreprise ou des salariés, ils s’en oublient.

Pour commencer, il faut bien penser aux 4 grandes portes d’entrée :

  • Connaissance de son état de santé et des risques associés
  • Connaissances professionnelles
  • Connaissance de soi
  • Connaissance de ses habitudes

À partir de là, restons vigilants et n’oublions pas que prendre quelques minutes par jour pour sa santé, c’est en donner autant pour son entreprise !

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