Addictions en milieu professionnel : le dossier

1 Juil 2022Focus prévention

Alcool, cannabis, médicaments… les addictions peuvent être nombreuses et doivent faire l’objet d’une attention particulière dans le monde du travail. Qu’est-ce que l’addiction ? Quelles peuvent être les corrélations avec le monde du travail ? Comment prendre en charge ce risque ? Comment mettre en place une démarche de prévention ? Nos réponses et recommandations pour employeurs et salariés dans ce dossier sur les addictions en milieu professionnel.

Cet article traite de l’addiction. Parmi elles, nous vous proposons deux sous-dossiers :

Qu’est-ce que l’addiction ?

La pratique addictive : késako ?

L’addiction ou dépendance est une pratique qui se définit comme l’envie répétée et irrépressible de consommer un produit en dépit de la motivation et des efforts de la personne pour s’y soustraire.

Addictions : quelles sont-elles ?

Les addictions les plus fréquentes sont celles relatives aux substances dites psychoactives (SPA), qui agissent sur le cerveau : alcool, tabac, drogues, médicaments…

Il existe d’autres addictions, comme par exemple :

  • Les pratiques comportementales telles que les jeux d’argent ou les réseaux sociaux ;
  • Le workalcoolisme c’est-à-dire lorsqu’une personne s’investit excessivement dans son travail et néglige sa vie extraprofessionnelle ;
  • Les addictions les plus fréquentes sont celles relatives aux substances dites psychoactives (SPA), qui agissent sur le cerveau.

Pour cet article, nous nous focalisons sur ces substances psychoactives. On les catégorise en 3 classes :

L’autorisation ou l’interdiction d’une drogue n’est pas strictement fondée sur sa dangerosité. Histoire, culture, intérêt thérapeutique, etc. sont des facteurs d’influence.

Addictions : quelles sont les causes ?

Plusieurs effets doivent être pris en compte pour comprendre à la fois le consommateur et les effets de la consommation : il s’agit d’une rencontre entre une personne, un produit et un contexte. Ce phénomène est expliqué par le triangle multifactoriel de Claude Olivenstein.

Identifier les facteurs à ces trois niveaux permet de comprendre ce qui est à l’origine des conduites addictives et de réfléchir à une stratégie adaptée lorsque l’on souhaite les réduire.

Addiction et environnement de travail

Les facteurs professionnels favorisant les conduites addictives

Le travail peut avoir un impact négatif sur la pratique addictive : il peut renforcer, parfois même générer une pratique addictive. La consommation peut avoir un objectif de socialisation, d’apaisement ou d’adaptation. On identifie ainsi plusieurs facteurs professionnels favorisant les conduites addictives :

  • La disponibilité et l’offre des produits, par exemple l’offre d’alcool dans le secteur de la restauration ou l’offre de médicaments dans le secteur du soin ;
  • Les pratiques culturelles et socialisantes, par exemple la fréquence de « pots d’entreprise » ;
  • La précarité professionnelle : toute incertitude professionnelle suscitant du stress ;
  • Les tensions psychiques, par exemple un excès de responsabilités ou une activité alternant surcharge puis ennui ;
  • La pauvreté des liaisons sociales, par exemple un poste isolé ou un manque de soutien de la part de la hiérarchie ou des collègues ;
  • Des tensions physiques, par exemple des troubles musculosquelettiques ou des douleurs que les substances psychoactives réduisent.

Quels sont les impacts positifs de l’environnement professionnel sur les conduites addictives ?

À l’inverse des facteurs favorisant les pratiques addictives, le travail peut protéger et réduire les consommations. Ainsi, les études montrent que les épisodes d’alcoolisation ponctuels par exemple sont moins fréquents chez les actifs que chez les demandeurs d’emploi. Quel que soit son impact, l’environnement de travail doit être pris en compte dans les conduites addictives. On peut expliquer ces rôles par notre rapport au travail, ainsi que par les évolutions sociétales du travail.

Mettre en place une démarche de prévention des risques liés à l’addiction pour la santé et la sécurité des travailleurs

Globalement, retenons 3 grands axes et 7 étapes clés pour monter une démarche de prévention.

  • Des concertations

> Tous les acteurs doivent être rattachés à la démarche pour favoriser la compréhension (actions de formation et d’information) et l’adhésion à celle-ci. Cela passe soit par le CSE soit, idéalement, par la création d’un comité de pilotage dédié et réunissant des membres de la direction, de l’encadrement et du service RH, des membres du CSE et des salariés, mais aussi du SPSTI. NB : n’hésitez pas également à solliciter d’autres partenaires tels que la Carsat, l’Anact – Aract…

> Il est bien sûr fondamental d’intégrer une étape de formation de tous les membres du comité de pilotage pour sortir des idées reçues et aborder la situation de manière professionnelle et la plus neutre possible, en pleine conscience des enjeux pour les salariés et pour toute l’entreprise.

  • Une évaluation du risque dans le DUERP

> Quelques indicateurs qualitatifs et quantitatifs peuvent vous guider : postes avec horaires atypiques, postes participant à la fabrication, la vente ou la distribution d’alcool, postes en contact avec du public… Mais aussi : la fréquence des visites médicales à la demande de l’employeur pour un problème lié à ces pratiques addictives ou encore les résultats de l’évaluation des autres risques professionnels connus qui pourraient engendrer ces pratiques addictives etc.

> Également, il est fondamental d’intégrer l’enjeu suivant : une consommation à faible risque peut devenir à risque dans certaines situations, particulièrement pour certains postes de travail à risque, identifiés comme « postes de sécurité » (travail en hauteur, sur machines dangereuses, avec des produits chimiques etc.). Si ces postes sont identifiés, ils seront ainsi susceptibles de passer des tests de dépistage selon les modalités inscrites dans le Règlement Intérieur ou la Note de Service.

Ici encore, le Service de Prévention et de Santé au Travail joue un rôle clé de conseiller et d’expert sur ce diagnostic. Car l’entreprise doit prendre en compte les facteurs de risque professionnel liés aux pratiques addictives et les inscrire dans le Document Unique d’Évaluation des Risques Professionnels. C’est à ce stade que vous pourrez vous lancer dans la rédaction d’une charte des règles et bonnes conduites à suivre avant d’établir votre plan d’actions : en effet, ces mesures de prévention doivent être inscrites dans le Règlement Intérieur ou à minima dans une Note de Service comme nous le voyions précédemment.

  • La mise en œuvre des actions de prévention : collectives et individuelles

> Une fois déterminées, il faudra prioriser les actions grâce aux comptes rendus et avis des concertations et inclure des communications régulières auprès des travailleurs pour accompagner cette mise en œuvre. Dans un second temps, il s’agira de les évaluer pour affiner si besoin.

> Pour l’employeur, il est important d’être à l’écoute sans bien sûr tomber dans l’hyper protection, de favoriser les temps d’échanges mais aussi de savoir passer le relais à des professionnels dès que nécessaires. Surtout, en tant que chef d’entreprise, l’employeur décide de la politique de prévention à mettre en œuvre à travers des actions de prévention collectives en créant un groupe de travail et/ou individuelles.

Nos recommandations face au risque professionnel d’addiction

Pour le dirigeant

L’article R4228-20 du Code du Travail impose à l’employeur d’évaluer les risques liés à l’alcool et de pouvoir mettre en œuvre ou non des mesures de prévention allant jusqu’à l’interdiction qui doivent alors être inscrites dans le Règlement Intérieur ou dans une Note de Service.

Enfin, de manière plus générale, la référence légale qui oblige l’employeur est celle fixée par l’article L. 4121-1 du Code du Travail « l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ».

1/ AGIR EN COLLABORATION AVEC LE SERVICE DE PRÉVENTION ET DE SANTÉ AU TRAVAIL (SPSTI)

L’employeur doit agir en collaboration avec le médecin du travail puisque le SPSTI est au cœur de cette mission de prévention des addictions. Grâce aux compétences de l’équipe pluridisciplinaire (psychologues, assistantes sociales, etc.), il est possible d’agir en amont en proposant des actions de sensibilisation dans le cadre de la prévention primaire.
Chaque adhérent est en mesure de demander cette visite médicale pour le salarié.

2/ ÊTRE VIGILANT : REPÉRER LES SIGNES PRÉCOCES

L’employeur doit toujours rester attentif, notamment aux signes qui peuvent passer inaperçus si l’on ne fait pas preuve d’une grande vigilance : absence courtes et répétées, retards, accidents, irritabilité croissante, trouble d’élocution ou de concentration, conflits interpersonnels (relationnel conflictuel avec certains collègues par exemple), modification de la qualité du travail, etc.

3/ PROCÉDER À UNE ÉVALUATION DES FAITS

L’idée est de mettre en place une évaluation factuelle de la situation : entretien individuel et de préférence en présentiel avec le salarié concerné. Les tests de dépistage sont d’ailleurs désormais autorisés en entreprise par le Code du Travail : pour autant, ils sont à utiliser avec précaution car ils peuvent soulever des questions éthiques et potentiellement fragiliser la relation de confiance entre l’employeur et le salarié.

 

Pour le salarié

Si l’employeur a l’obligation de mettre en œuvre des mesures de prévention de la sécurité et de la santé de ses salariés, ces derniers doivent aussi respecter des obligations légales édictées par le code du travail.

En effet, en fonction du poste, de la formation et des possibilités du travailleur, l’article L 4122-1 du Code du Travail rappelle que celui-ci doit prendre soin de « sa santé et de sa sécurité ainsi que de celles des autres personnes concernées par ses actes ou ses omissions au travail ». Cela bien sûr en prenant en compte les instructions données par l’employeur.

Selon l’article L 4131-1 du Code du Travail, l’employeur doit également être alerté par le travailleur qui estime qu’une situation de travail présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé. Le salarié doit le faire dans les plus brefs délais, et de la même manière, il doit alerter l’employeur s’il constate des anomalies suffisamment graves pour porter atteinte à sa sécurité. Il peut d’ailleurs exercer son droit de retrait.

Le salarié a ainsi une obligation de sécurité qui engage sa responsabilité pénale en cas de manquement grave ou en tout cas des sanctions disciplinaires, tout comme en cas de non-assistance à personne en danger. C’est aussi pourquoi les sensibilisations sont très importantes : affichage, documents numéros d’aide etc.

Enfin, il est important de garder à l’esprit que le médecin du travail peut être sollicité dès que besoin. La demande de visite peut être réalisée par l’employeur ou par le salarié lui-même, au-delà du suivi individuel réglementaire (article R 4624-34 du Code du Travail).

Webinaire « Addictions : Informer, Sensibiliser, Prévenir et Aider » à revoir

Le dossier que nous vous proposons sur les addictions est basé en partie sur le webinaire des Services de Prévention et de Santé au travail de Présanse Paca-Corse dont nous faisons partie, réalisé en partenariat avec l’INRS. Pour en savoir plus sur la prévention des addictions en vidéo, nous vous invitons à revoir le webinaire ci-dessous : durée 1 heure.

Les équipes de l’AISMT13 à votre écoute

  • Le salarié peut solliciter une visite à la demande pour rencontrer l’équipe de prévention et de santé au travail afin d’échanger autour de sa consommation de substances psychoactives et des répercussions sur sa santé. Nos équipes sont soumises au secret médical.
  • Nos équipes peuvent également organiser un atelier de prévention autour des addictions.

Suite du dossier : découvrez deux articles dédiés

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