Comment gérer un événement grave au travail ?
Accident grave, décès brutal, agression, braquage… les entreprises peuvent malheureusement être confrontées à des événements graves.
Inattendus et potentiellement traumatogènes, ils peuvent entraîner des difficultés à la fois pour les salariés, ainsi que pour le collectif de travail et le fonctionnement de l’établissement.
L’employeur a la responsabilité de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs : à ce titre, il doit être en mesure de réagir lors d’un événement grave se produisant dans le cadre du travail.
Comment se préparer efficacement pour faire face à ces situations complexes ? Comment réagir de manière appropriée lors de la survenue d’un événement grave ?
Employeurs, retrouvez dans cet article dédié tous nos conseils pour vous aider dans cette démarche.
La prévention pour se préparer à l’urgence
Mettre en place des protocoles
Lorsqu’un événement exceptionnel survient, il est essentiel de répondre de manière adaptée tout en préservant la cohérence interne de l’entreprise. Ainsi, mieux vaut prévenir que guérir, surtout lorsqu’il s’agit de se préparer à toutes les éventualités afin de réagir de manière efficace. Face à un événement grave, il est facile de se sentir désemparé ou dépassé, ce qui peut multiplier les risques : désordres organisationnels, psychologiques…
C’est pourquoi la conduite à tenir doit, idéalement, être préparée en amont pour faire face à différentes situations, en désignant des personnes référentes.
La mise en place d’un mode d’emploi simple et accessible permettra une réaction rapide et appropriée, ainsi qu’une prise en charge adéquate. Ainsi, il sera possible d’apporter des certitudes au milieu de l’incertitude.
Comment créer un protocole ?
1. En amont
Prévenir le risque
Un temps de réflexion à froid afin de maintenir une vision claire des choses en cas de survenue d’un événement grave.
2. Lors de l’événement
Le passage à l’action.
Le rôle essentiel de la hiérarchie
- Lors d’un événement grave, les réactions institutionnelles post-événement, lorsqu’elles sont jugées inadaptées par les personnes concernées (remarques, moqueries, injonction de terminer les tâches au cours desquelles l’événement est survenu…), peuvent parfois avoir un impact traumatique en elles-mêmes. La réflexion en amont est d’autant plus importante en ce sens.
- La perception du risque varie en fonction des valeurs, des croyances, des connaissances scientifiques, de la législation, des mentalités, de la position dans l’organisation, du métier exercé et des expériences individuelles. Lorsqu’un événement grave survient, il est essentiel que l’employeur puisse accepter les réactions de détresse émotionnelle des salariés, sans jugement ni crainte de l’effondrement. L’objectif n’est pas de minimiser ces réactions, mais plutôt d’aider les salariés à les transformer en quelque chose de constructif, à la fois sur le plan individuel et collectif.
- La cohésion des équipes et la qualité des relations au sein du collectif de travail est un puissant protecteur contre les conséquences psychologiques délétères d’un événement grave. Veiller au long cours au renforcement d’un bon climat social est un investissement qui paie.
- Attention : les dirigeants d’entreprise ne doivent pas se négliger dans ces situations. Leur bien-être et leur accompagnement sont tout aussi importants pour assurer une réponse appropriée et soutenir l’ensemble de l’organisation.
- Pensez aussi à la formation pour les cadres dirigeants. Sur demande, les psychologues de l’AISMT13 disposent d’ateliers spécifiques.
La prévention au cœur de l’entreprise
Le contexte d’une entreprise exacerbé lors d’un événement grave
Ne Pas Oublier : Face à un événement soudain, les situations préexistantes sont susceptibles d’être exacerbées. Cela signifie que les effets de cet événement soudain pourront être amplifiés si la situation dans laquelle il survient est déjà génératrice de difficultés. Que cela concerne le climat social, les tensions au sein d’une équipe ou entre services, les conditions ou le rythme de travail… Le risque d’apparition ou d’aggravation de l’absentéisme, de la démotivation, de la désorganisation du travail pourra dans ce contexte être démultiplié. Il est donc d’autant plus essentiel de prendre des mesures de prévention des risques professionnels de manière globale. Ainsi, un climat social agréable, des équipes solidaires, une communication de qualité, une attention quotidienne accordée à la sécurité, etc., auront des effets bénéfiques lors d’une crise.
Traiter l’urgence
En cas d’événement grave survenant dans le cadre du travail, il est important de suivre différentes étapes pour gérer au mieux la situation et l’impact psychologique. Plus vous agissez vite, mieux c’est !
Comment réagir ? Quelles actions mettre en place ? Comment communiquer sur l’événement ? Comment orienter vers les soutiens adéquats ? Quelles démarches doivent être réalisées ?
Découvrez notre guide pour accompagner pas à pas nos entreprises adhérentes en 6 étapes.
- Protéger les victimes et alerter les secours
- Organiser une cellule de crise
- Annoncer l’événement
- Orienter vers les soutiens adéquats
- Réaliser les démarches administratives
- Poursuivre l’accompagnement et analyser l’événement
Accompagnement de l’AISMT13 : retours d’expérience
Témoignage de Magali Chevassu, psychologue à l’AISMT13
1. Tentative de suicide en dehors du lieu de travail
Les atteintes à sa propre vie dénotent une profonde détresse. Le collectif de travail, même s’il est rarement témoin (le geste se produit souvent en dehors du lieu de travail), est souvent impacté dans son sentiment d’impuissance et/ou de culpabilité. Parfois, ces gestes résonnent également avec différents antécédents, ou avec un contexte professionnel particulier auquel le collectif s‘identifie.
Les réactions face aux gestes suicidaires étant trop disparates et personnelles, nous proposons au collectif de travail de prendre rendez-vous pour des consultations individuelles, dans une approche plus centrée sur chaque individu.
Ainsi, au sein d’une association à vocation de réinsertion sociale, nous avons proposé, suite à une tentative de suicide d’un membre de l’équipe, une permanence d’écoute psychologique sur rendez-vous au centre médical. Une dizaine de personne ont ainsi pu venir déposer leurs ressentis.
Dans une autre situation, c’est un suicide qui avait marqué une entreprise dans le secteur des nouvelles technologies. Cette entreprise traversait un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE), et le poste occupé par la personne faisait partie de ceux dont on n’était pas certain qu’ils soient préservés. La proposition de la permanence d’écoute a paru insuffisante à l’entreprise. Nous avons ainsi proposé, en complément, une réunion d’information dans l’entreprise au collectif de travail, qui a surtout permis de personnaliser l’orientation, et de donner un visage aux interlocuteurs. Notre équipe de psychologues a ainsi pu être présentée, ainsi que nos méthodes et notre cadre de travail.
Nous avons également pu transmettre des informations sur les réactions émotionnelles attendues et la symptomatologie à surveiller. Cet espace de discussion, même s’il n’avait pas vocation à faire s’exprimer les salariés, leur a permis de se sentir considérés et soutenus. Trois personnes ont ensuite souhaité une prise en charge.
2. Décès, agressions, accidents graves sur le lieu de travail
Une équipe de travailleurs sociaux a fait appel à nos services lors d’un accès de violence avec coups et blessures de l’un de leurs bénéficiaires, ce qui avait bouleversé les professionnels. Le cadre de travail et les moyens de cette équipe pour atteindre ses objectifs les mettaient régulièrement en situation de tension et d’insatisfaction. Lors du débriefing organisé sur place, nous avons conclu avec des membres de l’équipe que ce n’était pas l’incident en tant que tel qui les avait impactés, mais la fragilité du cadre de travail qui les exposait à des répétitions de situations de tension. Au final, cette intervention a permis de mener une analyse des risques psychosociaux existants afin de renforcer la politique de prévention au sein de la structure.
Dans un grand magasin de vêtements, une cellule d’écoute a été mise en place suite à un braquage. L’entreprise n’a pas pu libérer les salariés sur leur temps de travail pour permettre à la cellule d’avoir lieu au centre médical. Elle s’est donc tenue sur rendez-vous dans la salle de repos des salariés. Malheureusement, l’une des victimes du braquage, venue spécifiquement sur son arrêt de travail délivré dans le cadre de l’accident de travail qui suivi le braquage, a fait une crise d’angoisse à son retour sur les lieux. La psychologue a pu heureusement la contenir et la stabiliser, mais il faut garder à l’esprit que tous les éléments présents dans l’environnement lors de l’événement grave peuvent agir a posteriori comme des déclencheurs de réactions symptomatiques.
Pour aller plus loin
- Intervention suite à un événement grave : fiche pratique
Organisation des secours :
- Salarié sauveteur secouriste du travail (SST) : livret de prévention
- La trousse de secours : livret de prévention
- Arrêt cardiaque : fiche pratique